BEUVRY. Beuvry, Bevriacum, Bévry, Bevery et Bouvry. Beuvry est situé sur la Loisne et sur les routes royales n° 41, de St-Pol à Lille et n° 43, de Bouchain à Calais, qui ont, en effet, leur point de jonction à l'entrée de cette commune. Elle se divise en haut et bas Beuvry. Le haut renferme l'église, l'emplacement du château du seigneur haut-justicier, le château de Belleforière, les maisons sur la grande route dont le nombre, en 1733, était de 40, le Mouchez, le Quesnoy, sur le chemin de Beuvry à Gorre, Taigneville, situé à gauche de la grande route de Béthune à Labassée. Un ancien hameau nommé les Mottes en dépendait aussi. Le bas Beuvry contient les hameaux de Bellenville, Estrayelles ou Estrasselles, Gorre, ancien prieuré, Louanne, la Croix-de-Fer, le Hamel, Marais-Lavoué, Préolan. Ces hameaux formaient, pour la plupart, des seigneuries ayant leur juridiction. Nous en parlerons ci-après. Charles-le-Chauve, par un diplôme de 878, octroya à l'abbaye de Marchiennes, le domaine et l'église de ce lieu(1). Le pape Eugène III concéda, en 1152, l'autel à l'évêque d'Arras. Ce prélat possédait à Beuvry une seigneurie dont la plus grande partie de la mouvance s'étendait dans la rue conduisant à l'emplacement de l'ancienne maladrerie. Avant 1789, Beuvry était chef-lieu d'un des trente cinq doyennés, composant l'ancien diocèse d'Arras. Il embrassait, dans sa circonscription, treize paroisses et deux annexes ; savoir : Annezin, Beuvry, Drouvin, Fouquereuil, Fouquières, Hesdigneul et Gosnay, Houchain, Labourse, Nœux, Noyelles - lez - Vermelles, Sailly - Labourse, Vaudricourt, Verquin et Verquigneul. La cure était à la nomination, de l'évêque diocésain et valait 1800 livres. Le traitement du vicaire était de 450 livres. Aujourd'hui Beuvry est la résidence du curé de canton, d'un vicaire, du juge-de-paix, d'un notaire, d'un receveur de l'enregistrement, d'un huissier et de plusieurs employés des contributions indirectes. Sa population est de 2805 individus. L'église paroissiale qui a été conservée, est placée sous l'invocation de St.-Martin. Elle est construite en grès peu finement taillés. Elle a trois nefs, terminées par des chapelles en culs de lampe. Elles étaient séparées par des piliers assez minces, faits avec art et dont la légèreté dégageant l'intérieur de l'édifice, permettait à l'œil d'en mesurer facilement la grandeur. Cette partie principale fut bâtie en 1553, ainsi que la tour qui est carrée, large, flanquée aux angles de contreforts dans toute 6a hauteur. Elle est aussi en grès. Une galerie régnait autrefois autour du chaperon qui la couronnait. Elle a disparu et est aujourd'hui remplacée par un toit. Le chœur et les chapelles furent faits après le milieu du 16e siècle. Les vitraux étaient de l'année 1577. Sur ceux du chœur étaient dépeintes les armoiries de la maison d'Alsace-Hénin-Liétard., qui portait de gueules à la bande d'or. (1) M. Harbarille, d'après Myroeus Ceux de la chapelle de St.-Eloy, située du côté de l'épitre, laissaient voir les armoiries de la maison de Coupigny qui portait d'azur à l’écu d'or en abîme. Jean de Coupigny, chevalier, seigneur de Coupigny, d'Hersin, d'Avion, de Fouquières, de Sallau, de Belleforière-en-Beuvry, qui vivait en 1562, reposait en cette chapelle avec Jacqueline de Ronck. Ils y étaient tous deux représentés sur un marbre en relief, placé au-dessus du caveau où plusieurs de leurs ancêtres étaient inhumés. On avait gravé sur le marbre les alliances de ces époux. , Les vitres de la chapelle de la Vierge qui est du côté de l'Evangile et où était l'orgue, reproduisaient les armoiries de la maison Decroix, qui portait d'Argent à la croix d'azur et à qui appartenait la seigneurie d'Estrayelles dont il sera fait mention. Plusieurs seigneurs du nom de Decroix furent enterrés dans cette chapelle. Le dernier, qui mourut dans le célibat, en 1707, et qui y fût aussi inhumé donna, par son testament, à l'église de Beuvry, 3000 livres pour faire l'acquisition d'un ostensoir. Celui qu'on se procura avec cette somme était en vermeil, haut de 3.pieds A pouces. Aucun, dans le diocèse, ne l'égalait en hauteur. Quelques tableaux placés dans le chœur rappelaient l'époque du décès des trois derniers seigneurs de. Beuvry, du nom d ' Alsace-Hénin-Liétard. Le premier était Eugène, comte de Boussu, seigneur de Sailli, Chocques. Il mourut en 1658 et avait épousé, en 1641, Anne-Caroline de Croy-Chimay- Aremberg. Le deuxième était Philippe-Louis d'Alsace-Hénin- Liétard, prince de Chimay et du St. Empire, son fils, décédé le 25 mars 1688. Le troisième, Sigismond de Hénin-Liétard, son petit-fils, époux d'Anne-Marie-Louise de Ghistelles est décédé, en 1721, sans postérité. Au mois d'octobre 1803, l'église de Beuvry éprouva un dommage considérable par l'imprudence des ouvriers occupés à réparer les plombs de la tour, La toiture et tout ce qui était combustible devint la proie des flammes qui dévorèrent aussi quelques maisons voisines. On a voulu, en 1825, réparer le désastre. En vain on essayé alors d'un seul toit. On a dû dans ces derniers temps en former trois. Il reste aujourd'hui à exécuter les travaux intérieurs et les décors dont on évalue la dépense à 4000 francs. On honorait particulièrement, le 24 juillet, dans cette église, Ste. Christine dont les reliques y étaient déposées. Il y avait à Beuvry plusieurs chapelles : Celle de Montaigu, appelée le Petit-St-Eloy; celle de Notre-Dame des Affligés, près de Gorre, bâtie, en 1719, par Jean Leblanc et Anne Blanchard, sa femme; celle sur le haut Beuvry; enfin la chapelle de St-Eloy-des-Champs. Celle-ci est très-célèbre dans la légende. Malgré sa célébrité, elle n'a pas échappé au marteau révolutionnaire. Celle qu'on voit aujourd'hui a été réédifiée depuis quelques années sur l'emplacement de la première et où se réunirent, en 1188, les deux forgerons de St-Pry et de Beuvry, pour conférer sur l'établissement des charitables dans les lieux de leur demeure respective. C'était pour consacrer le souvenir de cette rencontre et de l'institution qui la suivit, qu'autrefois le clergé séculier et régulier de Béthune, précédé des charitables et suivi du corps municipal, qu'on appelait alors le magistrat, venait processionnellement, chaque année, le 21 septembre, à cette chapelle. Les charitables de Beuvry y venaient aussi et les deux prévôts se donnaient l'accolade, en s'abordant. On entendait ensuite la messe et puis, chaque corporation retournait chez elle. Ces processions se font encore aujourd'hui, mais plus avec le même appareil, puisqu'il n'y a plus de clergé régulier. M. F. Lequien, aujourd'hui sous-préfet de Béthune, dans son intéressante notice sur cette ville, a inséré une relation de la fondation des charitables. Cet ouvrage qu'il attribue à l'un des magistrats du tribunal de la même ville, fait honneur au talent et à la sensibilité de l'auteur. Gracieuse facilité de style, ton parfait de convenances, qui exclut toute idée de recherches ou d'efforts, onction qui charme l'esprit et touche le cœur, voilà ce qui caractérise cette pièce. Nous allons la rapporter ; nos lecteurs en jugeront. La PESTE « Les rues de Béthune étaient bien tristes en l'an de grâce 1188, alors que la peste désolait la ville et les faubourgs ! Riches et pauvres, nobles et manans, jeunes et vieux, tout venait se ranger sous le niveau contagieux de ce désastreux fléau. Chaque matin, la crécelle funèbre demandait un de profundis pour 42 victimes enlevées depuis la veille ; et le lendemain, la peste avait marqué de son sceau hideux, et le bedeau qui agitait la crécelle et les fidèles qui priaient naguère pour les trépassés. Pendant la première période de la maladie, ceux qui succombaient, trouvaient des soins et un convoi, mais peu à peu la terreur devint générale; elle engendra l'égoïsme; le pestiféré haletait en vain sur son grabat, nulle main amie ne se présentait pour étancher sa soif ; le désespoir grimaçait ses yeux ternes et tordait ses bras jaunis, sans qu'une voix consolatrice vint le rappeler à l'espérance et lui parler de Dieu. Il mourait, et sur ce cadavre défiguré, pas même un rameau trempé d'eau bénite, ne venait secouer ces paroles : repose en paix…… Les familles s'éteignaient une à une, car le fléau, une fois entré dans une maison, la dépeuplait vite. Il saisissait l'homme au travail, la mère auprès du berceau de son enfant, ce dernier à la mamelle, le prêtre à l'autel, les animaux eux-mêmes étaient soumis à sa funeste influence. Les quelques valides que a peste respectait encore, se traînaient à l'église pour y con¬jurer l'éternel ; ils y venaient rarement deux jours de suite. Quelquefois même, ils n'en sortaient pas Le clergé priait en permanence, les processions se renouvelaient à chaque instant, mais leur seul résultat était de laisser dans les âmes un redoublement de frayeur. C'était chose triste de voir un prêtre promenant l'image de Dieu dans les rues silencieuses et jalon-nées par des cadavres qu'on n'avait pas la force d'enterrer ! Et derrière le prêtre, une longue file de pestiférés, qui semblaient autant de morts suivant machinalement leur propre convoi ! Le découragement était complet : le père refusait des soins à son fils, l'enfant à sa mère. Un parent tombait-il malade, on s'éloignait de lui avec terreur ; mourait-il, on ne prenait pas la peine d'ensevelir son corps, qui demeurait exposé sur le parvis de l'église où venaient le recouvrir de nouveaux cadavres. Le glas funèbre de la tour de St-Vaast se faisait seul entendre dans la cité déserte ; bientôt il ne tinta plus, l'église n'ouvrit plus ses portes et Béthune devint comme un vaste cercueil qui attend la pelle du fossoyeur! LA VISION Il était bien fatigué le forgeron du faubourg St-Pry, dans cette soirée d'octobre qui avait vu mourir son plus jeune enfant ! 11 était bien triste en traversant sa forge déserte, d'où la peste avait enlevé depuis deux jours son dernier ouvrier. Oh ! Qu’il avait besoin de courage, pour supporter les malheurs qui lui étaient survenus depuis tantôt deux mois ! Il avait vu mourir son vieux père, sa femme, ses deux filles, ses deux fils; il demeurait seul au monde Et cependant, pas une plainte ne s'exhalait de sa bouche chrétienne; s'il se sentait faiblir, il invoquait le nom de la Vierge, ou relisait la vie du saint homme Job, et alors son cœur reprenait une nouvelle énergie. Loin d'imiter l'insouciant égoïsme de ses voisins, il passait la journée à consoler les pestiférés, à leur donner des soins; trop faible pour porter seul les morts au cimetière, il les ensevelissait de son mieux et récitait auprès d'eux les psaumes du saint roi David. Harassé par ces pieuses occupations, il s'était jeté sur son lit, pour y attendre, à son tour, le fléau qui avait ravagé sa fa¬mille. A peine avait-il trempé sa main droite dans le bénitier posé au-dessus du Christ en bois qui décorait son chevet, que ses yeux sont éblouis par une clarté soudaine. Il fait le signe de la croix, et son âme demeure frappée d'une sainte extase en voyant apparaître le bienheureux St Eloi, tel qu'il est représenté sur la bannière de la confrérie, placée sous sa protection. Gautier se prosterne la face contre terre : « Bénis le nom de Dieu, dit le Saint, heureux ceux qui suivent ses commandements! » Le forgeron récite à haute voix : « Je crois en Dieu le Père, Tout-Puissant..... » Vous allez, reprit St Eloy, suivre la route de Béthune à Beuvry, vous rencontrerez Germont, forgeron comme vous et, comme vous, serviteur zélé de Dieu et de la Vierge. Vous construirez, au lieu de votre réunion, une Chapelle sous mon invocation et instituerez une Confrérie de gens pieux, qui se dévoueront au service des morts. La peste vous épargnera et avec vous, ceux qui auront la foi. Allez, car telle est la volonté du ciel.
LA RENCONTRE Un étranger qui visite l'église de Béthune, est arrêté par la vue d'un tout petit tableau qui parait représenter une énigmatique allégorie : on 'y voit deux maréchaux-ferrants, revêtus du costume de leur propre profession, nu-tête et se tenant étroitement embrassés. Cette peinture, due au pinceau de M. Legris, qui en a doté la Chapelle de St Eloi, est ce que j'appellerai la charte primordiale de la Confrérie des Charitables. Elle montre Gautier et Germont, au moment de leur rencontre, et au lieu même, où, suivant le commandement du Saint, fut érigée la Chapelle. Le forgeron de St-Pry, revenu de la contemplation où l'avait laissé la visite du bienheureux, s'empressa d'obéir à ses ordres, sans en commenter la portée. Prenant cette vision au sérieux, et ne l'attribuant pas à une fallacieuse hallucination, il suivit aussitôt le chemin de Beuvry; et, arrivé au point de jonction des deux paroisses, lieu appelé la Fontaine de Quinte, il rencontra, suivant la prédiction du Saint, le maréchal de Beuvry, Germont. S'embrassant avec effusion, ils se racontèrent leur vision. (St Eloi était aussi apparu à Germont et lui avait donné la même inspiration.) Tous deux se rendirent au monastère de St-Pry pour y réclamer les conseils d'un prieur renommé par sa sagesse, et le lendemain tout Béthune retentissait de la protection accordée à la ville par le bienheureux St Eloi. L'église rouvrit ses portes, les cloches sonnèrent et les habitants se prirent à espérer en la miséricorde d'un Dieu qui révélait ainsi sa puissance. LES CHARITABLES Telle fut, suivant les traditions locales, l'origine miraculeuse de la confrérie, dite des Charitables. Cette corporation, composée d'abord des premiers magistrats de la cité, se recrute annuellement depuis 1188 dans tous les rangs de la société. Elle a ses statuts, ses lettres patentes, sa discipline : ses mem¬bres enterrent les morts sans distinction et le plus souvent, sans rétribution aucune. Tel est le respect qu'elle commande, qu'à une époque où la mortalité, devenant plus intense, exigeait pour l'inhumation des morts un plus grand nombre de bras, le prévôt des Charitables requit l'assistance des personnes qui se trouvaient sur le passage des convois, et messire César Leclercq, écuyer, lieutenant de la ville et du château de Béthune, sei¬gneur de Colidant, n'osa refuser de porter en terre un corps infecté, étant convoqué de par Dieu et saint Eloi. A une autre époque, le prévôt Desauteure était convié au banquet du gouverneur de Béthune, et le comte et la comtesse de Gomicourt tenaient à honneur de le placer entre eux et de boire dans le même verre que lui. Ajoutons qu'il est sans exemple qu'un Charitable ait été at¬teint des maladies contagieuses qui, au 12* siècle et plus tard, ont affligé la ville de Béthune et ses faubourgs. La confrérie des Charitables, dissoute le 15 fructidor an Y, continua en secret d'enterrer les morts : réinstallée le 25 floréal an X, elle a depuis rendu les plus grands services à la population indigente de la cité. Les règlements de la confrérie de St Eloy, à Beuvry, diffèrent de ceux de leurs collègues de Béthune. A Beuvry, les confrères, soit qu'on les appelle prévôts, mayeurs, ou charitables, sont à vie, et la corporation se compose de 2 prévôts, de 4 mayeurs et de 32 charitables. Elle se divise en deux parties égales, dont l'une sert deux années, sans interruption, tandis que l'autre se repose pour reprendre le service pendant deux ans, lorsque la première a fait son temps. Si un prévôt vient à décéder ou à changer de résidence, le premier mayeur le remplace, et celui-ci est, à son tour, remplacé par le plus ancien charitable. Beuvry eut ses francs plaids ou franches vérités qui se tenaient trois fois par an sous la présidence du Bailly. Sa coutume fut rédigée en 1507. Selon Maillard, Beuvry dépendait de l'avouerie de Béthune, mais Belleforière était du bailliage de Lens. Jean de Nédonchel et Marie, dame de Beuvry, ayant vendu, en 1266, à Robert II, comte d'Artois, cette terre, le manoir, la forteresse, cùm mancipiis et ingenuis viris, c'est-à-dire, avec les serfs et les hommes libres, elle resta plus de 200 ans, dans la maison de France (branche d’Artois). Bonne d'Artois qui dé¬céda, en 1424, l'apporta en dot à Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne. En 1445, (1) ce duc l'a donné en mariage à Antoine, son fils naturel, surnommé le Grand-Bâtard de Bourgogne. Les descendants de ce¬lui-ci la possédèrent jusqu'au 16e siècle, où Anne de Bourgogne, héritière de cette branche naturelle, et déjà veuve de Jacques, comte de Homes, chevalier de la Toison-d ‘Or, épousa en secondes noces Jean de Hénin-Liétard, 4e du nom, né le 9 août 1580, comte de Boussu, aussi chevalier de la Toison-d ‘Or, grand écuyer de l'empereur Charles-Quint, colonel de sa cavalerie légère, grand-Bailly des eaux et forêts de Hainaut, seigneur de Gameraches, de Vinchon, Lambussart, Haussy, Beuvry, Choques, Lafosse, décédé en 1563. (2) On a vu plus haut que le dernier seigneur du nom d'Alsace-Hénin-Liétard décéda en 1721, sans laisser de postérité, et qu'il avait épousé une de Ghistelles. Après la mort de cette dame, comme elle avait des reprises à exercer sur la seigneurie et le domaine de Beuvry, les fils du marquis de St-Floris, ses neveux, les firent valoir en son nom et devinrent ainsi propriétaires de la terre de Beuvry, après avoir payé, sans doute, le prix du principal aux représentants des comtes de Boussu. Lorsque la famille Ghistelles s'établit à Beuvry, le château ne consistait plus que dans un corps de logis à deux étages et en mauvais état, puisqu'il était, en partie, découvert! C'était les restes d'une antique forteresse, construite en grés et défendue par plusieurs tours aussi en grés, et dont les murailles au premier étage, percées de meurtrières, avaient une épaisseur de plus d'un mètre. En 1741, le marquis de Ghistelles en fit démolir la presque totalité. Et bientôt, sur ses ordres, s'éleva en place du donjon, un vaste château avec un parc considérable. Il n'en reste plus aucun vestige. (1) Selon le témoignage du père Anselme et des auteurs de l'Art de véri¬fier les Dates, Beuvry fut acheté, en 1495, par Oger de Montmorency, baron de Wattines. (2) De St-Allais, communiqué par M. le baron de Hauteclocqne. La famille de Ghistelles était très-avantageusement connue à Arras. Dans la chapelle de l'Hôtel-de-VilIe on voyait un marbre sur lequel étaient gravées les diverses fondations qu'elle avait faites en 1452. A l'époque de 1789, la seigneurie et le domaine de Beuvry étaient aux mains de Philippe - Aîexandre- Emmanuel-Joseph de Ghistelles, marquis de St.-Floris et de Croy, créé prince de Ghistelles par l'empereur d'Allemagne, en 1760. Marié le 9 octobre 1758, à Louise-Elisabeth, princesse de Melun, il est mort, à Mons, en 1808, sans postérité. Belleforière-en-Beuvry était un fief ou seigneurie vicomtière qui resta long-temps dans la maison de Coupigny. Le chef-lieu fut aussi, dans les temps anciens, un château fortifié. Il n'était pas éloigné de celui des seigneurs haut-justiciers de Beuvry. La Loisne qui passait sous les murs de ce dernier, venait arroser Belleforière. Ses fossés furent comblés, lors¬qu'il fut réduit aux proportions d'une maison seigneuriale ordinaire. Belleforière a aussi appartenu à la famille de Berghes. C'est aujourd'hui la maison de campagne de M. le marquis de Baynast. Bellenville est situé à plusieurs kilomètres de l'église de Beuvry. Le possesseur de cette seigneurie était, en 1755, Ange-Léon de Beaulaincourt, dont le père ou aïeul, Jean-Georges de Beaulaincourt, avait été créé, comte de Maries, au mois d'août 1696, par le roi Louis XIV. C'est une famille chevaleresque très ancienne dans le pays. Hugues de Beaulaineourt assistait, en 1106, à la dédicace de l'église de l'abbaye d'Arrouaise, avec un grand nombre de chevaliers. En 1140, selon Gélic, Jean, sire de Beaulaincourt, chevalier, était capitaine et gouverneur de Cambrai, alors ville libre et impériale. Ducange fait observer que les capitaines des grandes villes jouissaient alors de droits qu'il compare à ceux des ducs et des comtes. Antoine de Beaulaincourt, seigneur de Bellenville, fut, après Lefebvre de St.-Remy, hérault d'armes de la Toison-d'Or, et chargé d'affaires diplomatiques par le roi d'Espagne près la cour de France. Ce fut lui qui fut chargé, en 1530, d'aller lever le corps de Charles-le-Téméraire, tué, à Nancy, en 1477, et de le ramener à Bruges. Alexandre - Auguste de Beaulaincourt, comte de Maries, fut long-temps député général et ordinaire du corps de la noblesse des états d'Artois. Il rendit, dans ses fonctions, de grands services à la province. Le château de Bellenville fut brûlé vers le milieu du 18' siècle. Le seigneur de Beaulaincourt le fit reconstruire bientôt après. C'est un corps de logis d'une élégante simplicité. Il appartient aujourd'hui à M. Calonne qui vient d'en faire l'acquisition. Estrayelles ou Estraisselles était un fief qui a été long-temps dans la maison de Croix. Plusieurs seigneurs de ce nom y ont demeuré et y sont décédés. On a déjà vu que le dernier est mort en 1707. Son successeur fut le seigneur de Villers-les-Cagnicourt, du nom de Dupont. Gorre. La prévôté régulière de Gorre était une communauté d'hommes de l'ordre de St.-Benoit, dépendante, dès le 13e siècle, de St.-Vaast, qui y entretenait quelques religieux avec un revenu de 4000 livres. On prétend qu'elle était occupée, au 11e siècle, par des femmes; d'autres pensent que c'était par des Templiers. Aussi on ignore l'époque de sa fondation. Toutefois, on y conservait les bulles constatant la donation que les papes en avaient faite à St.-Vaast. Il y existait une belle crypte ou église souterraine dans laquelle on enterrait les religieux qui la desservaient. Louane. Le fief de Louane situé à 5 kilomètres de l'église de Beuvry et à un kilomètre de Gorre ne dé-pendait pas de la première seigneurie, comme six principaux hameaux de Beuvry, mais il relevait du roi , à cause de son château de Béthune. Dans la première moitié du 18e siècle, un habitant d'Arras qui en était propriétaire, y fit bâtir une maison seigneuriale consistant en un corps de logis en briques et en pierres symétriquement superposées. Les Mottes. C'était une seigneurie située entre Beuvry et Sailly. Elle avait pour chef-lieu une ferme, érigée au milieu du hameau. Cette ferme fut fortement endommagée, pendant la guerre de 1635 et entière¬ment détruite pendant celle de 1709. Corbeaumont, seigneur de Busnes, devenu propriétaire du fief, fit aplanir l'élévation, mais il ne fit pas rétablir la ferme. Les droits seigneuriaux, tant en vente, don ou transport, étaient le dixième denier. Quant au relief, il devait être aussi important que la rente, car on di¬sait telle rente, tel relief. On se plait à comparer le périmètre de cette commune avec celui de Paris, c'est-à-dire, que selon l'opinion commune, Beuvry aurait sept lieues de tour. Sur une partie notable de son territoire, se trouvent de vastes marais encore sous l'eau. Avant 1769, époque de la construction de la route royale n° 41, le chemin de Béthune à Lille, chemin qui, pour le dire en passant, était impraticable toute l'année, traversait l'un de ces marais. « Contre ses rives, près de la commune était,, dit monsieur Félix Lequien, dans la notice que nous avons déjà citée, une fontaine assez remarquable : ses eaux tourbillonnaient sans cesse et offraient à leur centre un vaste entonnoir » qui engouffrait, pour ne le laisser jamais reparaître, tout ce qui était atteint par les rayons de ce tourbillonnement. Vainement on a maintes fois recherché la profondeur du gouffre, la sonde n'a jamais pu en atteindre le fond; telle était, du moins, l'opinion des habitants qui prétendaient que cette fontaine était traversée par un fleuve souterrain, dont les flots rapides emportaient le plomb de la » sonde et déterminaient le tourbillonnement des eaux à leur surface. Les vieillards conservent encore par » tradition, sur cette fontaine, de nombreuses légendes dont presque toutes attestent la crédulité et la superstition de nos pères. Voici l'une d'elles : « Dans des temps que bien des siècles séparent de nous, au milieu des marais de Beuvry, alors appelé Beury, était un castel. Ses noires tourelles dominaient majestueusement la vaste plaine d'eau qui les entourait. Une étroite chaussée, coupée de distance en distance par des ponts mobiles, formait le seul accès de cette habitation. Quel motif avait déterminé le châtelain qui s'y était retiré, à choisir pour demeure, un séjour si sauvage? personne ne le savait. Nul n'avait encore pu l'entrevoir depuis vingt ans qu'il s'y tenait renfermé, nul n'avait pu pénétrer dans ce château au-delà des bâtiments extérieurs, où nuit et jour, veillaient, des étrangers dont on ne comprenait pas le langage et qui n'entendaient pas plus celui du pays. Une crainte superstitieuse en éloignait d'ailleurs chacun. Le château et son châtelain avaient été l'objet des conjectures de tous, mais la disparition subite et tout extraordinaire de ceux qui avaient trop hautement et trop hardiment émis leur opinion , faisait qu'on n'osait plus, dans l'intimité même des veillées, parler du mystérieux châtelain. Il était toutefois visible que chacun lui supposait des intelligences avec les esprits infernaux ; il était certain que chaque année, dans la nuit qui précède le saint jour de Noël, il se passait, dans le château, des choses extraordinaires : de la plupart des maisons de Beuvry, une oreille attentive pouvait saisir les derniers sons, affaiblis par la distance, de mille voix confuses, proférant les unes des cris, des gémissements, les autres des éclats de rires. A minuit, tout rentrait dans le calme ordinaire ; le lendemain, pas un seul de ceux que les événements de la nuit avaient effrayés, n'aurait osé convenir avoir entendu le moindre bruit, et vainement, à part soi, se serait-on préoccupé de l'idée de pénétrer ce mystère ; parmi ceux-là mêmes qui dans vingt combats, avaient bravé la mort, nul n'aurait été assez hardi pour s'approcher des marais de Beuvry dans la nuit de la veille de Noël. Cet état de choses durait depuis vingt ans, quand à l'aube d'un jour, dont la nuit venait d'être troublée d'une manière encore plus extraordinaire que celles des années précédentes, ceux qui se hasardèrent à jeter un coup d'œil furtif et inquiet sur le château, ne le découvrirent plus. Ce fût tout aussi vaine¬ment que des yeux ils cherchèrent une seconde, une troisième fois, cette masse de bâtiments, au milieu des eaux qui, la veille encore, faisaient contraster la sombre couleur de l'édifice avec la blancheur de l'onde et l'azur des cieux. Le lendemain seule¬ment, quand le castel et ses noires tourelles n'apparurent pas davantage sur l'horizon, on osa se communiquer cet étrange événement. Chacun n'y voulut croire qu'après s'en être assuré par lui-même. Rien n'apparaissait au milieu de cette vaste plaine d'eau... pas le moindre vestige. L'étroite chaussée seule, était restée intacte, comme pour rendre apparente la disparition des bâtiments auxquels elle aboutissait naguère. Cependant on se hasarda, mais ce ne fût que plus d'un mois après, à s'approcher des rives du marais, on risqua quelques pas de plus, l'on parvint ainsi à son extrémité, et là où était le castel, on trouva cette effroyable fontaine avec ses eaux tourbillonnantes et sa bouche incessamment béante. Elle reçut et conserva le nom que sa première vue inspira, on l'appela et on l'appelle encore la Fontaine- Hideuse. Ce qu'était, ce que devint le châtelain avec ses serviteurs, nul ne put jamais le savoir. La justice céleste avait puni d'inouïs forfaits, disait-on, mais on le conjecturait : ce qu'on savait dans le pays, ce qu'on y croit et redit encore, c'est que chaque an¬née, dans la nuit de la veille de Noël vers la douzième heure, on entend toujours sortir, du fond de cette fontaine, des cris, des gémissements et des éclats de rires.» Les marais qui existent sur le territoire de Beuvry facilitent le rouissage du lin. Un assez grand nombre d'habitants en cette commune, se livrent à ce travail auquel, pendant l'hiver, succède l'écanguage, c'est-à- dire le dégagement du filament d'avec l'écorce, ensuite le lin est vendu au marché de Béthune. Terminons par quelques mots sur la descente d'un ballon, qui eut lieu à Beuvry en 1784. Les frères Mongolfier ayant constaté qu'un corps plus léger qu'un volume égal d'air atmosphérique, s'élève dans celui-ci, inventèrent les aérostats. Ce fut d'abord avec l'air échauffé qui est, en effet, plus léger que l'air froid qu'on remplit les ballons. Mais l'invention acquit un grand degré de perfectionnement lors¬qu'à l'air échauffé on substitua le gaz hydrogène qui est quinze fois plus léger que l'air atmosphérique. On sait que ce gaz se prépare par l'action de l'acide sulfurique étendu d'eau sur des copeaux en fer. C'est plus par curiosité, par délassement, que par le désir d'admirer l'invention même, que l'on court voir l'ascension d'un aérostat. Cela forme, à la vé¬rité, un spectacle imposant et qui frappe vivement l'imagination, mais les effets que cause sur elle la descente, ne sont pas moins vifs. Au départ, le ballon se balance quelques secondes, s'élève et disparaît bientôt. La descente ne s'opère pas tout-à-fait aussi vite. Le dégagement du gaz par la soupape donne de la prise au vent sur les flancs de l'aérostat, qui se renfoncent profondément. Ce n'est plus alors ce globe majestueux, qu'on avait vu planer dans les airs, c'est un vaste corps informe. Sa vue, à mesure qu'il approche do la terre, produit les plus fortes émotions, a même quelque chose d'effrayant. Cet effroi doit se faire encore plus sentir sur les populations auxquelles l'invention n'est pas connue. C'est celui qu'ont dû éprouver les habitants de Beuvry, lorsqu'en 4784, le premier ballon parti de Paris, vint, poussé par le vent, échouer sur leur territoire, au sommet de l'an¬gle formé par la jonction des routes royales n° 41 et 45. Un monument fut élevé au lieu où la descente s'effectua. Il prit le nom de Ballon qu'il a conservé. La fête patronale de Beuvry a lieu le troisième dimanche après la Pentecôte. Distances : du chef-lieu de canton, 5 kilomètres ; de Béthune, 4 kilomètres; d'Arras, 33 kilomètres ; de St.-Omer, 54 kilomètres. Contenance : terres labourables ,1152 hect. 35 ares ; prés et herbage, 159 hect. 22 ares; bois, 33 hect. 60 ares; vergers, pépinières, 28 hect. 04 ares, landes et marais, 184 hect. 63 ares; propriétés bâties, 17 hect. 44 ares; routes, flégards, 85 hect. 37 ares; canaux, 11 hect. 86 ares ; total, 1672 hect. 51 ares. Bureau de bienfaisance : revenus, 1807 fr, 50 c. Sources: LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF MICHIGAN ANNUAIRE STATISTIQUE ET ADMINISTRATIF DU PAS DE CALAIS 1848-1849 |